« Étrange, sois-tu. » LORD&CAËMETH.

« Existe t-il un être qui soit comme toi ? Es-tu le seul et par malchance, je t’ai connu ? Cet être que l’on qualifie comme arrogant, sans cœur, méchant. Cet être qui est pourtant mon père. S’il te plait, réponds moi. Pourquoi ? Pourquoi suis-je tombée sur toi ? Explique-moi,. Je n’arriverai jamais à t’appeler « Papa » parce que j’en ai pas, tout simplement. Depuis que je vous ai quitté, je me sens si seule. J’ai besoin de parler à une personne, quiconque se présentera devant moi. Je sens pourtant le regard de ma pauvre mère sur moi, ce regard qui me surveille constamment. Peux-tu m’aider, maman ? »

La tête levée vers le ciel, elle attendit. Rien ne surgit, s’attendant sûrement à cela. Espérait-elle voir sa mère avec un sourire sur les lèvres ? Cela était juste impossible. Baissant la tête pour effleurer l’eau de ses lèvres, lui donnant quelques frissons. Longtemps, elle gardait de longues pensées pour celle qui l’a mise au monde. Celle qui est partie trop tôt et pour de piètres raisons. Lesquelles ? Elle voulait offrir de la tendresse à sa fille. Mais cela n’a pas été apprécié. Ainsi soit-il. Caëmeth se trouvait sur cette plage que l’on appelle Les calanques. Un lieu des plus magnifiques, connu pour sa tranquillité ou encore sa beauté. Même si elle ne possédait pas le caractère, notre jument trouvait que cela lui ressemblait. Ou plutôt, il n’y avait que ce genre d’endroit où elle se sentait calme. « Calme » était pourtant un grand mot, ce n’était pas le terme exact à employer. Qu’importe.

« Lorsque je vois mon reflet sur l’eau, je n’arrive pas à savoir qui je suis. Que m’a-t-on fait pour que je me souvienne de rien ? Que m’a-t-on fait pour que je sois, ainsi ? Toi, toi qui me regardes, pourrais-tu me le dire ? »

Évitant de s’observer quelques secondes de plus, Caëmeth détourna le regard, le posant sur l’horizon. Marchant dans le sable humide, elle sentit ses sabots s’enfoncer dans celui-ci. Un léger sourire vint se déposer sur ses lèvres lorsque l’eau caressa ses membres. Elle appréciait par-dessus tout cette sensation. La jument fit quelques pas avant d’entendre un bruit d’eau. Apparemment, quelqu’un la suivait. Ignorant celui-ci, elle posa son regard dans un grand vide. Deux filets de buée blanche s’échappèrent de ses naseaux. « Je ne suis pas de très bonne compagnie. Je pense que vous perdez votre temps en restant ici. »

Demain, puis demain, puis demain.

L’hiver était rude, et la mélancolie des souvenirs s’élevait à la hauteur de la tristesse de la saison. Les fleurs avaient fanés, et plus aucune feuille ne jonchait le sol, elles s’en était allées, rappelant à Lord Crackdown la futilité de l’existence, lui rappelant que nous ne pouvons être sur de nos lendemains. Il soupira. Il était descendu des hauts plateaux afin d’observer la houle tumultueuse, et la brise marine lui mordait la peau. Il appréciait l’odeur des marrées, la pâleur de l’écume. Etrangement, il sourit. Il avançait dans le sable mêlé à la neige, les lieux étaient d’une beauté fascinante, ses prunelles d’or de perdaient dans l’azur des flots et tantôt dans la pâleur des cieux. Quelques flocons virevoltaient, dansaient, tournoyaient ; l’étalon d’or les fixait, presque fasciné par leur aspect difforme. De nouveau, il soupira. Les flocons c’écrasaient sur le sol, fondaient, mouraient. La futilité d’une piètre existence. Lui, il ne faisait que chuter, sans jamais s’écraser. Plus longue était la descente, plus dure il imaginait la chute. Il avait peur, mais jamais il n’oserait se l’avouer, trop orgueilleux pour assumer ses torts, trop fier pour admettre ses erreurs, trop digne pour admettre sa terreur. Alors il blâmait les étoiles de lui avoir fait suivre une telle voie. La voie qu’avait emprunté son père des années auparavant. Le chemin de la lâcheté, de la cruauté, de l’injustice et du pouvoir. Le pouvoir. Si beau et si fragile, délicat, délectable et par-delà le mal et le bien. Le pouvoir … Il huma la fine fragrance des marrées, envoûté.

Il se tourna afin d’admirer les traces qu’il avait laissé dans la fine poudre blanche. Son parcours. Puis il regarda face à lui, pour ne plus jamais se retourner. Il avait perdu. Et son père aussi. Un sourire narquois illumina son visage. Il n’était plus ce poulain avide et hypnotisé par les sagace paroles de son géniteur. Il était adulte, et désespérément seul. Il avait certes croisé la route de maints équidés, mais jamais, il ne s’était senti à sa place. Il était enchaîné à son piètre nom, Lord Crackdown. Il renâcla et s’approcha d’une plage. Une calanque. Une présence. Ses oreilles se plaquèrent contre sa nuque, ce fut un réflexe. Il s’agissait d’une jument, mais elle semblait différente. Elle n’était pas l’une de ces fines créatures à la beauté figée. Elle ressemblait bien plus à un étalon. Il la fixa de ses mirettes d’or. Sa robe argentée luisait sous les cieux pales. Il n’eut le temps d’avancer, elle prononça quelques mots. « Soit. Vous êtes trop polie pour me demander de partir. » Murmura-t-il suavement. « Il semblerait qu’en ces terres, l’hospitalité soit une option. Qu’importe. » Continua-t-il, hautain. Il conclu ses paroles par un sifflement dédaigneux. Et il redevenait le jeune endoctriné, l’adulte songeur s’en était allé, une fois encore.